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À méditer :

 

Extraits choisis du Livre de DÜRKHEIM Karlfried Graf :

HARA, centre vital de l’homme.

Edition : Le courrier du livre. 1967

 

P19 :

Il n’y a pas d’ordre spirituel ni de tension psychique qui ne se reflètent dans le corps. Ainsi peut-on dire qu’au centre de gravité psychique correspond le centre de gravité du corps. C’est pourquoi il est impossible de trouver son centre intérieur sans avoir trouvé le centre du corps… légèrement sous le nombril.

P29, 30 :

La force (du Hara) est une force toute différente de celle qui est mue par la volonté du moi. Le japonais garde présent à l’esprit le Hara en tant que symbole de maturité intérieure, tout au long de sa vie quotidienne.

Celui qui a acquis la maîtrise du Hara peut garder son calme dans n’importe quelle circonstance, même face à la mort… Il accepte le monde comme il est et, bien que ce monde soit toujours différent de ce qu’il souhaiterait, il sent toujours une harmonie mystérieuse entre lui et ce dernier. Se révolter, c’est souffrir. Toute souffrance indique que l’homme s’est écarté de la Grande Unité … Mais cela, le commun des mortels ne le voit pas.

P31 :

Ce qu’est l’homme dans son essence est un don qu’il a le devoir d’accomplir.

L’homme ne sera complet que dans la mesure où son Soi sera la réalisation de son être essentiel. (La participation à l’Être se manifeste dans la liberté ressentie par rapport à l’existence.)

P32 :

Est un « maître » celui qui maîtrise si bien une technique que la perfection du résultat est garantie.

P80 :

À l’origine et à la fin de toute vie, de même que pendant son développement il y a le JE SUIS transcendant. Derrière et dans toute chose, au-dessus de tout ce qui existe, l’homme pressent le Grand JE SUIS, la calme présence de l’Être divin dont découle toute vie et auquel elle retourne. Par le Grand JE SUIS, il faut comprendre l’esprit universel dont la force créatrice confère aux êtres et aux choses la forme et à l’homme la conscience.

P82, 83 :

Sans la formation de cette conscience du Moi et du monde, fondée sur les contraires, il ne peut y avoir d’expérience fructueuse de l’unité transcendantale de la vie. Revivre intérieurement cette unité et la manifester dans l’existence, telle est la destinée de l’homme, la source de son désir profond de bonheur, d’accomplissement et de paix, et tel est le moteur de tout effort humain.

Le désir d’être libéré de la souffrance inhérente au Moi enfermé dans les limites de sa conscience pousse l’homme à prendre conscience des caractéristiques et de la structure de la réalité du Moi. De cette prise de conscience naîtra le pressentiment de la voie à suivre pour que le moi s’intègre à l’Être et pour que se forme un Moi qui servira l’Être au lieu de s’opposer à lui. Sur cette voie, l’homme fait, tôt ou tard, la découverte du Hara.

La force du Moi, son moteur principal et son principe résident dans ce que l’on pourrait appeler le phénomène de fixation. Le Moi apparait lorsque l’homme pense « je suis moi », lorsqu’il constate son identité avec lui-même. Il est indispensable pour le développement de l’homme que ce dernier ait une forte conscience du Moi et d’un monde autonome. Toutefois, il lui serait fatal de vouloir se fixer dans ce monde et de chercher à s’y installer définitivement.

Dans son Moi bien formé, l’homme est perméable à son être essentiel ; c’est de celui-ci que lui vient la confiance en lui, le sentiment qu’il est en mesure d’affronter la vie. Il a foi en un sens supérieur et en un ordre à la base de toute chose dans la vie. Et c’est enfin grâce à l’unité de l’Être, cachée au fond de son être qu’il se sent en contact avec le monde.

Mais il est évident que l’homme au Moi bien formé vit pourtant aussi dans le monde selon les données de sa conscience objectivante. Toutefois, il réagit avec souplesse, de sorte qu’il n’est jamais pris de court par les fluctuations et l’instabilité de la vie. S’il se comporte ainsi, c’est que le principe et la source de sa vie se trouvent dans l’Être surnaturel qui ne connait pas la fixation…

Alors le Moi n’est pas opposé à l’Être mais est l’instrument de sa manifestation dans le monde.

P87 :

Plus ils (les hommes enfermés dans leur Moi) s’élèvent (socialement) et plus ils courent le risque de voir s’écrouler leur univers. Il leur manque la base intérieure stable, indépendante des circonstances extérieures.

P88, 89 :

Alors que l’homme au Moi trop développé vit dans une sécurité illusoire et dans la conscience de son pouvoir, l’homme dont le Moi est trop peu développé est toujours submergé par les problèmes que lui pose l’existence… Ce qui lui manque encore, c’est de savoir considérer les choses avec recul. C’est un homme au regard triste.

P91 :

Les formes défectueuses du Moi indiquent toujours une incapacité à maîtriser les misères de la vie qui sont au nombre de trois :  le caractère dangereux et éphémère de l’existence, son absurdité et son injustice désespérantes, et enfin sa cruauté, source de la solitude et de la tristesse.

La confiance, la foi et le sentiment de ne pas être seul qui animent certains hommes, même au milieu de leurs malheurs, peuvent avoir deux origines différentes. Cela peut être de nature empirique et découle alors de conditions de vie garantissant la sécurité, le sens de l’existence et la solidité des relations humaines. Mais cela peut également provenir de sentiments « a priori » indépendants de toutes les conditions de vie ; il s’agit alors d’un lien avec le monde supranaturel. Lorsque ce lien existe, l’homme ne se perd jamais, même dans les circonstances les plus défavorables. Si ce lien fait défaut, sa confiance, son sentiment de sécurité et son sens de la vie « ont des pieds d’argiles ». Et c’est précisément l’enracinement dans un sol que les réalités de la vie ne peuvent ébranler qui est le sens profond du Hara.

P94 :

En général, l’homme croit que son évolution spirituelle consiste à dominer progressivement ses pulsions élémentaires et matérielles, qu’il situe dans le bas du corps. S’il persévère dans cette idée, il s’engage dans une impasse, car la réalité se limite alors pour lui à ce que reconnait le Moi rationnel…

En se fermant à ce qui est instinctif et impulsif, aux émotions, il se ferme aussi aux forces de la Grande Nature qui le porte, le forme et le libère. Au fur et à mesure qu’il coupe les racines qui le relient à la vie universelle, il s’enfonce sur une fausse voie qui le conduit à la conquête de ce qu’il prend pour les plus hautes valeurs de la vie et qui n’existe que dans son imagination…

Que ce soit à cause de ses instincts refoulés ou de son être essentiel qui ne peut s’épanouir, il sent en lui la pression de l’inconscient, en redoute les explosions et aime alors parler des « puissances démoniaques » qui habitent son inconscient. Or ce qu’il qualifie de démoniaque n’est rien d’autre que la force de vie intacte de l’être tout entier qui aspire à la conscience et qui est réduite au silence par cette partie du tout qu’est le moi égocentrique.

P96, 97 :

Alors que le ventre est le Centre-Terre, le centre vital, et la tête le Centre-Ciel, le centre spirituel, le cœur est le centre de l’homme. Les sentiments dont il est le siège expriment surtout ce que l’homme ne veut pas lâcher, les valeurs auxquelles il s’accroche, c’est-à-dire essentiellement la douleur de la séparation et le bonheur de l’union. On peut donc dire que le cœur est le centre de la personne, « le centre personnel ». En revanche, tout ce qui concerne le Centre-Terre fait partie de la sphère « impersonnelle », c’est-à-dire prééxistante, antérieure au développement de la personne, et il en est de même de tout ce qui touche le centre spirituel…

Tout ce qui est spécifiquement humain a sa source dans l’expérience de l’inquiétude ; la paix du cœur exprime la plénitude retrouvée. L’inquiétude peut soit être conditionnée par le monde extérieur - et elle concerne alors le Moi – soit provenir de ce que l’être essentiel ne parvient pas à se réaliser – et elle concerne alors la personne dans sa totalité. Elle est le reflet de la bipolarité de l’existence humaine.

L’inquiétude du cœur, autrement dit de l’âme, peut avoir deux causes. Aussi existe-t-il deux modes de guérison différents. Toute vie est tendue entre deux mouvements opposés :  d’une part, le mouvement qui préside au développement de la « forme » individuelle et à l’épanouissement de la vraie personnalité et, d’autre part le mouvement qui, faisant perdre à l’individu sa « forme » particulière et son autonomie, le pousse à se refondre dans l’unité de l’être divin. L’inquiétude est, en fait, engendrée par tout ce qui vient contrarier ce double mouvement caractéristique de la vie humaine. C’est seulement en se référant à ce double mouvement que l’on peut comprendre la symbolique du corps. Tête, cœur et ventre ont une signification différente selon l’étape du mouvement cyclique qu’ils représentent, mouvement dans lequel l’homme, sans arrêt, naît, s’épanouit, rentre dans le Grand Tout, puis meurt pour renaître et s’épanouir dans une nouvelle forme. Mais il peut aussi arriver qu’il s’immobilise, se fixe sur un point donné et alors il tombe malade. A travers ce mouvement toujours recommencé, l’homme fait l’expérience de sa condition humaine et prend de plus en plus conscience de sa double appartenance au ciel et à la terre, mais s’il refuse ce mouvement, il se sent ou sans « patrie » ou maudit.

P99, 100 :

L’âme reste toujours le noyau, le centre de l’être vraiment humain qui, dans la souffrance et la joie, lutte pour son accomplissement. Mais le sens et l’origine de la souffrance ne sont plus les mêmes. L’homme ne souffre plus seulement des désirs non réalisés du Moi, mais surtout du non-épanouissement de son être grâce auquel il participe de la Grande Vie. Au fond, c’est la Grande Vie elle-même qui souffre de ne pouvoir s’exprimer en l’homme, dans l’amour et dans l’ordre de l’esprit nouveau. Ainsi l’homme ne cherche plus seulement à satisfaire son Moi, à renforcer sa sécurité dans le monde ou encore à devenir une personnalité reconnue dans une société fondée sur les valeurs rationnelles. Il aspire bien plus à la réalisation de sa personne tout entière en faisant l’expérience de l’Être dans l’existence et en le manifestant à travers une forme.

Ainsi l’ordre égocentrique est-il transcendé de trois façons : par une acuité plus grande des sens qui redécouvrent la vie originelle, par une illumination de l’esprit en lequel un ordre nouveau se dessine, et par un éveil de la fonction révélatrice du cœur…

Il devient bientôt évident que ce changement doit commencer par l’abandon des positions acquises…

Afin de pouvoir accomplir sa vocation qui est de manifester l’Être divin dans son existence, afin de s’élever à l’esprit nouveau, l’homme doit d’abord descendre jusqu’à sa nature originelle… Pour trouver la vraie lumière, il doit d’abord plonger dans les ténèbres originelles…

Il doit reconnaître l’insuffisance et les limites de ses efforts bien intentionnés qui le poussaient vers « le haut », il doit être décidé à mettre en question les structures et l’ordre de son univers égocentrique dans lequel le Moi se sent en sécurité (mais dans lequel son être essentiel souffre les pires tourments) et prêt à tout abandonner, en confiance, convaincu par cet « en bas » dans lequel toute vie prend naissance et se régénère. Le chemin qui mène à la vérité passe par un mouvement « rétrograde », c’est-à-dire un mouvement vers le bas, vers les profondeurs…

P102 :

Tout cela revient à dire que l’homme doit déplacer son centre de gravité du haut vers le bas. Au lieu de mettre l’accent sur la tête et la poitrine, tout en reniant et en dominant le bas-ventre et la région du bassin, il faut reconnaître et admettre ce qui est au-dessus du nombril.

Le mot schizophrénie signifie coupé au niveau du diaphragme. C’est exactement ce qui se passe quand l’homme ne vit qu’en haut et du haut de son corps, avec de temps en temps un relâchement du bas. Le Yang et le Yin sont alors séparés ; Ils ne témoignent plus de l’unité du Tout (Tao) qui vit en eux, et se développent indépendamment, comme deux puissances antagonistes. Seul le mouvement qui permet au Moi crispé de se dissoudre dans le Centre-Terre Maternel peut amener le lien avec la terre. C’est là le sens de la pratique du Hara.

P103 :

Trouver le contact avec l’Être surnaturel et parvenir à son vrai Soi, qui témoigne alors de l’Être, c’est là le sens profond du chemin intérieur. Quand elle est consciente, la recherche du Hara signifie donc que l’homme s’engage sur la voie intérieure, et la consolidation progressive du Hara montre que l’homme progresse sur cette voie.

P104 :

Il apparait donc que la progression systématique sur la voie intérieure dépend de trois facteurs :  l’expérience vécue, la prise de conscience et l’exercice.

P105 :

Il est surprenant de constater à quel point « l’exercice » compris comme exercitium, facteur décisif de la progression sur le chemin intérieur est tombé dans l’oubli chez les hommes de notre époque.

P108 :

Pour celui qui échappe un moment à l’agitation de la vie quotidienne… et qui, au contact de la nature… se libère des tensions qui sont en lui et exulte de joie en découvrant… son être essentiel…, cette expérience merveilleuse…possède… une valeur en soi et est de nature numineuse. [Phénomène mystérieux qui donne le sentiment d’être relatif au divin.]

P110 :

Il s’agit de développer peu à peu en l’homme un état d’être qui lui permettre de répondre à sa destination la plus haute qui est de manifester l’essence divine à travers son être essentiel.

P111 :

Lorsque celui qui s’exerce parvient à établir le contact avec son être essentiel, il ne doit pas considérer cela comme son propre mérite, mais comme un cadeau qui lui est accordé par la vie qui œuvre en lui sans qu’il le sache ; l’exercice ne donne pas naissance à l’expérience de l’Être. Il prépare seulement à recevoir cette expérience.

P112 :

Les résultats que l’homme peut atteindre par son travail sont en fait bien peu de chose en comparaison du travail silencieux de l’Être divin qui le pousse doucement mais continuellement à s’ouvrir à lui et à s’épanouir en une forme de vie qui corresponde à son essence.

« Quel est donc le plus grand résultat auquel l’exercice permette de parvenir ? » …  « La disponibilité qui permet de se laisser pénétrer par l’Être. » …

L’exercice systématique : S’exercer signifie alors se libérer systématiquement de la puissance qui nous sépare de notre être et avoir l’audace de nous livrer à lui, sans peur, prêt à percevoir et à accepter les signes par lesquels, pleins de promesses et d’exigences à la fois, l’Être nous parle.

P113, 114 :

Le penchant du Moi à tout fixer, à projeter l’idée de l’être dans une forme achevée conduit sans cesse l’homme à s’arrêter à une étape heureuse… Or l’homme ne juge nécessaire de procéder à ce dernier pas vers l’ultime phase de sa transformation que s’il se sent insatisfait et en souffre. S’il se trouve dans un état d’épanouissement de sa propre personne, réussissant dans le monde et jouissant pleinement de celui-ci, il n’est pas encore mur pour le chemin intérieur. Il faut qu’il se sente à l’étroit dans sa peau… pour que quelque chose le pousse à abandonner sa position… et qu’il soit en fin prêt à accepter l’échelon le plus élevé de la pratique.  Cette dernière implique toujours, au début, un abandon de l’acquis et un retour dans le centre qui représente l’unité originel de l’Être… Tel est le sens de la pratique du Hara.

L’homme définitivement fixé dans les catégories bien ordonnées du Moi, qui lui assurent le confort et une certaine participation aux « valeurs spirituelles » a enfermé sa vie dans d’étroites limites. L’accès à la dimension surnaturelle que son être essentiel le destine à connaître lui est fermé et le véritable moteur de la vie, sa faculté de transformation, est mort. C’est le côté bourgeois de l’homme qui est alors vainqueur, car « la paix à laquelle il est parvenu, signifie que plus rien ne bouge… ». Tout ce qui vit au contraire est « en paix » dès que rien n’arrête le mouvement de la transformation.

P116 : Il (l’homme) est enclin à juger de la valeur de l’exercice à ce qu’il gagne en puissance dans l’existence…Ce n’est que dans la mesure où il apprend à ne plus juger toute chose d’après les critères de son Moi que l’exercice lui sera bénéfice. Quand le but de celui-ci est la transparence qui permet à l’homme de percevoir l’Être en lui-même et d’en témoigner dans le monde, au lieu de se gonfler, le Moi devient le serviteur obéissant, fidèle et content de l’être divin…

Celui qui ne dispose pas de la force de caractère nécessaire pour tenir bon devra éviter de s’engager sur le chemin de l’exercice. Il devra d’autant plus s’en abstenir que l’arrêt soudain de toute pratique a un effet néfaste pour l’homme dans la mesure où il a déjà quelque peu progressé.

P117 :

Les conditions de base que nécessite la pratique sont : un besoin intérieur, la recherche unique du chemin intérieur, une volonté ferme, un engagement total, la capacité à observer le silence et bien-sûr avant tout cela même, la quête du divin.

P118 :

Il (l’homme) devra s’exercer à avoir l’attitude juste, à bien respirer et à se trouver dans un juste rapport de tension et de relâchement.

 

IV CHAPITRE 4, L’EXERCICE DE L’ATTITUDE (OU POSTURE JUSTE) P121, 122, 123, 124, 125 :

Par ce concept d’« attitude juste », on entend deux choses : C’est à la fois l’expression et le soutien d’un état d’être correspondant, d’une part , aux exigences du monde et, d’autre part, à celles de l’être essentiel. La pratique ne deviendra exercice au service de la VOIE qu’à condition de reposer sur la recherche de l’être essentiel… dans l’espoir d’atteindre la transcendance…

L’expérience montre que l’exercice du centre de gravité « juste » commence par la position suivante : les jambes fermes, largement écartées, le buste ample et droit, les bras pendants, le regard à l’infini, c’est-à-dire dans l’attitude qui exprime ce que chacun de nous est, en fait, destiné à être : quelqu’un de droit, de libre et manifestant la lumière. Il est essentiel que celui qui s’exerce commence toujours par essayer de trouver cette attitude de base tout à fait naturelle dans laquelle il est ancré en lui-même tout en étant relié au monde, et qu’il ne pense pas tout de suite au ventre. Il ne devra travailler les différentes parties de son corps qu’après s’être mis dans cette attitude de base, non par une approche extérieure mais intérieure. Dans cet exercice du chemin intérieur, il est déterminant de sentir le « corps intérieur ». Cela nécessite la formation, puis l’affinement d’un organe spécifique, l’organe de la perception intérieure. A cette fin, il est recommandé au début de fermer les yeux, de garder le silence et d’essayer de sentir intérieurement le corps que l’on « est » intérieurement sous la peau… Il faut ensuite progresser lentement du haut vers le bas et du bas vers le haut, sentir toutes les tensions et se relâcher ; il convient en particulière de prêter attention à la respiration, de reconnaître son mouvement de va-et-vient. On arrive ainsi peu à peu à prendre conscience de son corps intérieur.

Alors, sans modifier son attitude, c’est-à-dire sans s’affaisser sur soi-même, on doit se laisser légèrement glisser dans l’expiration, qui devient alors automatiquement plus longue que l’inspiration. On prend son temps et l’on répète cet exercice jusqu’à ce que se produise le premier mouvement menant à l’attitude juste : le lâcher-prise ; On se relâche dans les épaules au début de l’expiration. On ne pousse pas les épaules vers le bas, mais on se relâche dans les épaules par ce mouvement de lâcher-prise. Celui-ci s’accompagne immédiatement d’un deuxième mouvement :  l’assise ; on s’installe, on s’assied pour ainsi dire dans son bassin à la fin de l’expiration. Ces deux premiers mouvements ne sont en effet que les deux parties d’un seul et même mouvement de haut en bas…Le fait de « s’installer dans on bassin » apporte donc vraiment quelque chose de nouveau. Souvent un débutant arrive à se relâcher plus ou moins en haut, mais il lui est beaucoup plus difficile de « s’installer dans son bassin » avec confiance sans toutefois s’affaisser.

La technique du HARA comporte encore un troisième mouvement qui est, en fait, le plus important : l’ « acceptation » juste du bas-ventre. Elle doit survenir à la fin de l’expiration. Il convient ici de ne pas commettre l’erreur ancienne qui consiste à considérer que le ventre se gonfle à l’inspiration et se creuse à l’expiration. Il faut distinguer, d’une part, respiration naturelle et respiration « complète » caractéristique du yoga, et, d’autre part, estomac et bas-ventre. Certes l’épigastre se creuse à l’expiration et ressort quelque peu à l’inspiration, les flancs eux-mêmes prennent un peu de volume à l’inspiration et diminuent à l’expiration (à condition toutefois que le diaphragme travaille correctement). Mais dans l’expiration pleine, le bassin s’avance… C’est dans ce mouvement par lequel le bas-ventre ainsi que la région lombaire prennent de l’ampleur que le Hara trouve son expression corporelle propre. Celui qui s’exerce a peu à peu l’impression de prendre la forme d’une poire ou d’une pyramide, ou bien il se sent comme soutenu par un socle large et solide ou encore ancré dans le sol par une puissante racine… Il suffit, en fait, de libérer le bas-ventre de toute tension et d’y mettre un peu de force. Le but recherché est de sentir cette force au niveau du bassin, autrement dit au niveau du bas-ventre, des reins et de tout le tronc. Un exercice simple permet de mieux en prendre conscience : Il consiste à enfoncer lentement et profondément son poing fermé au-dessous du nombril ; puis les épaules relâchées et sans bouger le moins du monde le reste du corps, à essayer de faire sortir le poing d’un petit coup brusque par la seule force musculaire du bas-ventre. Si l’homme parvient à y « y jouer du tambour » sans que cela soit désagréable, il possède une stabilité inébranlable. Mais, même arrivé à ce stade, on peut encore commettre une erreur : durcir l’épigastre. Aussi faut-il détendre cette région tandis que le bas-ventre reste légèrement tendu. Alors seulement, on se sent détendu dans l’ensemble de sa personne, mais en même temps solide, bien « enraciné en bas » dans le centre de gravité juste.

 

Par ailleurs, l’attitude juste va de pair avec une juste conscience de cette attitude. Ainsi, cela fait-il partie de l’attitude juste que de se demander où (dans son corps) l’on prend conscience de soi-même et de reconnaître ce que l’on ressent alors…

L’homme qui est parfaitement calme et serein ne se sent jamais « centré » en haut, mais solidement ancré dans son bassin, plein de force dans les reins et dans l’ensemble du tronc.

P126 :

Ce mouvement vers le bas signifie l’abandon du carcan que l’homme s’est forgé pour se sentir en sécurité et se défendre, donc l’abandon d’une forme de vie, dominée par l’insatiable désir de sécurité du Moi. Le mouvement qui le conduit à son centre vital le place en terrain sûr à condition d’avoir confiance. Ainsi le passage à l’attitude caractéristique du Hara signifie le passage d’un état de tension et de méfiance à un état de confiance sereine.

P128 :

L’homme met souvent beaucoup de temps à oser quitter le bastion du Moi tendu dans le haut du corps… Il ne réussira à maintenir l’attitude du Hara que s’il exécute l’exercice non plus seulement dans un but physique, en cherchant uniquement à libérer ses épaules, mais également en s’efforçant de se débarrasser du Moi crispé au niveau des épaules. C’est alors seulement que l’exercice prend un caractère personnel.

P130 :

Celui qui pratique doit apprendre à « sentir » que l’attitude juste lui confère peu à peu le contact avec l’Être. Il doit sentir s’éveiller en lui une nouvelle sorte de conscience qui le pousse à établir ce contact et qui, sans cesse, l’amène à rectifier spontanément son attitude, à se tenir d’une façon qui corresponde à son être essentiel – qu’il soit debout, assis, ou en train de marcher – à travailler à une forme qui soit transparente et à une transparence qui conserve une forme.

L’exercice de l’attitude « juste » est facilité par le sentiment de libération qui naît de cette attitude. Il s’agit de la liberté de se débarrasser de tout ce qui barre le chemin à l’être essentiel, et de laisser venir tout ce qui est conforme à ce dernier, autrement dit de témoigner dans le monde, par le langage propre à son être, d’une réalité toute différente.

Plus l’homme prend conscience de ses fausses positions et plus il perçoit leurs effets néfastes qui sont de trois ordres : ils bloquent ses possibilités naturelles, que ce soit en ce qui concerne la stabilité physique ou la force d’affirmation de soi dans l’existence, ils contreviennent à la loi de la forme conforme à son être essentiel, qui lui permet de servir le monde sans peur et libéré du Moi. Et enfin, ils constituent un obstacle à la transparence qui, seule, rend l’homme capable de remplir sa destination, c’est-à-dire, de rendre hommage à l’être divin et non au Moi égocentrique par sa manière de sentir, d’aimer et de créer tout au long de son existence... P131 :

La valeur de toute progression sur la Voie intérieure se manifeste à travers le comportement dans l’existence.

P132 :

Dans l’assise, comme dans les autres attitudes, Hara signifie donc force d’une impulsion intérieure venant du centre, surgissant de façon organique, mais se manifestant seulement lorsque la « volonté consciente » s’efface…

Comme toute véritable éducation, l’enseignement de l’assise juste devrait avoir pour fondement la joie et le bénéfice personnels que procure toute chose faite correctement.

P135, 136, 137 :

Moins il (l’homme) est présent dans son être essentiel et plus il a tendance à fuir le regard de son prochain, à esquiver et à être sur la défensive au lieu de faire preuve de calme et de droiture. Et, inversement, plus il est présent « à partir de son centre », plus sa façon d’« être là », assis, exprime sa nature directe, intègre, courageuse, authentique et libre. Et, à certains moments, cette façon d’« être là » est à elle seule un moyen de communiquer à autrui des forces profondes…

Une seule chose est importante : les genoux doivent être situés plus bas que l’os iliaque. S’ils sont placés trop haut, la force du centre vital ne pourra pas pénétrer suffisamment dans le bassin. Oreille épaule et os iliaque doivent être dans le prolongement les uns des autres, de façon à former une verticale…

Il faut ensuite se lâcher au niveau des reins, puis, pour rester dans la verticale, osciller légèrement de part et d’autre de cette dernière…

On a l’impression agréable de se sentir plus lourd, plus large, plus enraciné au niveau du tronc et solidement ancré dans le bassin…

Il (l’homme) est mis et maintenu « en forme » à partir de ce centre, sans qu’intervienne la volonté. Il n’est pas fixé de façon rigide à ce centre, mais oscille légèrement et continuellement autour d’un point central mystérieux. La verticale ainsi obtenue ne rappelle pas le bâton enfoncé dans le sol, mais plutôt le brin d’herbe qui vibre autour d’un axe secret alors qu’il n’y a pas le moindre souffle d’air. Cette vie secrète que l’on peut sentir à tout moment en position assise constitue, dans la pratique de l’assise, un critère extrêmement précis. Pour s’exercer dans la position juste, il est un moyen simple : osciller de part et d’autre de la verticale afin de s’aligner sur le centre « juste ».

On croise les bras sur la poitrine et on se balance légèrement d’avant en arrière – ou vice versa – au rythme de la respiration. On a l’impression d’être un poussah que son gros ventre lesté de plomb ramène toujours à la verticale. On se laisse d’abord aller assez loin en avant et en arrière, puis on diminue peu à peu l’amplitude des oscillations – en faisant toujours attention à ne pas perdre la verticale – jusqu’à ce que l’on ait atteint le point où le mouvement cesse de lui-même. C’est le point qui est parfaitement « juste », ni trop en avant, ni trop en arrière. Celui qui a trouvé ce point ressent dans tout son corps une légère vibration mystérieuse et bienfaisante, une vie étrange. On ne sait bientôt plus si elle est en rapport avec la respiration ou avec le pouls. Cela n’a d’ailleurs aucune importance ; ce qui est capital, c’est d’avoir fait l’expérience du bonheur qui nait de cette vie tout vibrante.

P139 :

L’exercice de la posture assise correcte ne doit pas se limiter à certaines heures de la journée, mais s’étendre au contraire à tous les moments où l’on est en position assise. En outre, cet exercice est en quelque sorte l’exercice par excellence, car c’est en cette position que l’exercice du silence trouve son climat. L’assise en silence renferme mille secrets. Celui qui a appris à se recueillir profondément dans l’assise en silence ne laissera pas passer un jour sans s’exercer au moins une demi-heure, car il sait que cela lui apporte un renouvellement venant du fond de son être…

Dans la légende « du bon matin »,

Le pauvre hère demande : « Qui t’a sanctifié, frère ? »

Maître Eckhart : « Cela est arrivé grâce à la pratique de l’assise en silence ainsi qu’à mes pensées élevées et à mon union avec Dieu. »

 

IV CHAPITRE 5, CONTRACTION – DÉTENTE – TENSION P142, 143 :

Pour approfondir la notion de détente, il faut tout d’abord distinguer nettement, d’une part, la tension au sens de crispation, de contraction, et le laisser aller, l’état de dissolution et, d’autre part, la tension « juste » et la détente « juste ». Dans le premier cas, il s’agit d’états opposés, alors que dans le second, il s’agit de deux aspects complémentaires de toute entité vivante. Aussi le but recherche dans la décontraction « juste » éliminatrice des tensions, n’est-il jamais de parvenir à un état de dissolution, mais au contraire à un état de tension « juste » …

Toute contraction au niveau du corps correspond à un barrage sur la voie intérieure. Il exprime en général, une « sclérose » due à une volonté d’affirmation de soi et de sécurisation propre au Moi existentiel. Se détendre, se décontracter signifie alors supprimer ce barrage en libérant l’homme d’une attitude qui le maintient sous l’emprise du Moi.

Quelle que soit la technique utilisée, l’exercice qui tend au juste rapport tension-détente ne constituera une pratique au service de la Voie intérieure que si le sujet recherche non seulement une détente physique, un repos, ou encore une simple augmentation des forces du Moi, mais également une libération de son être essentiel…

La vie est en elle-même une tension permanente. Tout ce qui vit se trouve dans un « état de tension » entre un stade de développement provisoire et son « devenir ». De même la vie de l’homme est toujours tendue entre ce qu’il est et l’entéléchie qui lui est inhérente. Cette dernière est l’ultime phase d’un processus qui, d’étape en étape, mène l’homme vers la maturité et l’accomplissement de sa véritable destination. Si l’homme poursuit consciemment « son chemin intérieur », chaque pas le rapproche de cette forme supérieure de l’être humain qui permet à l’Être divin de se manifester dans l’existence à travers l’homme. La tension qui conduit à cette forme – seule capable de faire disparaitre les tensions – constitue le moteur de la vie vraiment humaine. Les hommes se distinguent les uns les autres en ce qu’ils perçoivent plus ou moins nettement cette tension fondamentale. Ils sentent donc plus ou moins le besoin impératif de réaliser cette forme dans laquelle ils seront ouverts à la transcendance.

Le « mûrissement » s’effectue par une transformation permanente de la forme. C’est une succession sans fin de formes qui naissent et disparaissent pour renaître et mourir à nouveau, chaque forme n’étant qu’une phase destinée à préparer la suivante. Toute pratique spirituelle doit être au service de ce « mûrissement ». Et en particulier l’exercice se rapportant au tonus « juste » doit avoir pour principe de base cette tension qui vise sans cesse à la transformation de la forme et remplit ainsi sa fonction.

L’homme n’est sain que dans la mesure où toute sa personne garantit le libre cours du processus de transformation. Mais c’est précisément là que se situe l’importance d’un enracinement solide dans le centre vital.

P144 :

Cette tension fondamentale liée à l’entéléchie, tension qui accompagne toute vie et en est le moteur ne doit pas être confondue avec des tensions d’une tout autre nature, dues au fait que tout « état » a tendance à rester ce qu’il est. Ainsi l’homme est-il enclin à se fixer, à s’immobiliser dans chaque « forme » acquise, dans chaque position à laquelle il est parvenu. Il en résulte une autre sorte de tension : une tension de résistance.

Alors que la tension fondamentale œuvre à la transformation indispensable des formes, la tension de résistance s’oppose à la disparition, pourtant inéluctable, de la forme acquise et, par là même, elle est l’ennemi du « devenir ».

Supprimer ces tensions de résistance, ressenties comme des crispations, des contractions, constitue d’objet principal de l’exercice de la détente. Les tensions de résistance se comptent par milliers. Elles surviennent toujours lorsque l’homme se fixe, s’accroche à quelque chose. Ainsi il est tendu parce qu’il ne veut pas lâcher une position donnée, parce qu’il est obsédé par un certain désir, prisonnier d’une peur, qu’il ne peut se défaire de certaines agressions, à cause de ses ressentiments, de ses conventions, etc. Il s’agit de la fixation consciente ou inconsciente considérée comme le pire des maux dans toutes les hautes formes de religions.

Derrière chaque attachement fixateur, se cache une fixation du Moi, consciente ou non, d’importance et de durée plus ou moins grande.

P145 :

Seul celui qui a fait l’expérience que des tensions très anciennes, liées à la peur par exemple, cèdent d’un seul coup dès qu’il ose s’appuyer avec confiance sur son centre vital, peut alors saisir tout ce que signifie le Hara. Toute tension doit alors naturellement être considérée non comme une simple contraction musculaire, mais comme l’expression d’une « méfiance » à l’égard de la vie…

Ce n’est que lorsqu’il apprend, non à lâcher les épaules mais à se lâcher au niveau des épaules par un geste de confiance en son « centre » et à « s’installer » à s’ancrer consciemment et de façon continue dans ce centre, que l’homme gagne le calme, autrement dit, qu’il perd toute peur…

Il doit apprendre à « se lâcher dans son corps » …

P146 :

L’état de tension n’est pas, dans la plupart des cas, le résultat de causes tangibles, mais l’œuvre d’un Moi toujours préoccupé. Il s’agit de se sortir de cet état malsain par un témoignage de confiance librement consenti qui s’accomplit dans le geste d’une confiance pieuse…

Le vrai « lâcher-prise », la pleine « détente en profondeur » équivaut donc à une élimination des angoisses du Moi existentiel et à un abandon confiant au fond de l’être.

P147 :

La tension de résistance à l’être essentiel engendrée par cette conception statique de la réalité et qui s’oppose au mouvement de transformation venant de l’être constitue la tension fondamentale négative de la vie humaine. C’est en s’ancrant dans le Hara que l’on parvient à la supprimer chaque fois qu’elle se manifeste.

P150 :

La « forme juste » se développe dans une alternance continue de tension et de détente.

Dans un tout harmonieux, tension et détente forment un système « organique », se complètent simultanément ou en alternance. Toute tension juste contient un désir de détente, tout état de détente contient une tension potentielle. Derrière la polarité dynamique tension-détente, c’est la loi de l’ensemble, du Tout qui est à l’œuvre…

L’exercice de la détente ainsi compris devient quelque chose extrêmement exigeant. Il signifie, en effet, que l’homme doit se libérer des attitudes profondément ancrées en lui, qui empêchent son contact avec l’Être, car elles sont l’expression de l’homme uniquement centré sur le Moi égocentrique et permettent à ce Moi de se renforcer de plus en plus.

P151 :

C’est seulement à partir du moment où l’on devient capable de se laisser glisser sans résistance dans ses membres devenus lourds et où l’on parvient ainsi sans s’endormir à percevoir la modification qualitative intervenue dans sa façon « d’être là » que le sens profond de la détente devient une réalité. Mais cela implique que l’on soit capable de sentir avec calme et de maintenir cet état pendant un certain temps ainsi que d’en saisir toutes les significations. L’état de détente parfaite s’accompagne d’une incapacité passagère de se mouvoir.

 

IV CHAPITRE 6, L’EXERCICE DE LA RESPIRATION P155 :

Il est un exercice de respiration valable pour n’importe quelle étape et qui est incontestable :  c’est celui qui exerce, rétablit ou consolide la respiration voulue par la nature et correspond au mouvement de transformation originel. « Exercer » cette respiration signifie apprendre simplement à la laisser venir…

Tout exercice « juste » de la « respiration physique » a pour but de restaurer la respiration diaphragmatique…

P156 :

La première chose à apprendre est donc :  laisser s’accomplir de lui-même le phénomène de la respiration. Cela est beaucoup plus difficile qu’on a tendance à le croire…

Un maître Zen questionné sur sa façon d’exercer la respiration répondit : « Je m’efforce depuis trente ans d’observer consciemment ma respiration sans la troubler. »…

Il (le débutant) oppose sans cesse une résistance à l’expiration, alors que celle-ci n’est encore qu’à mi-course et il inspire plus ou moins. On dirait qu’il n’ose pas se laisser aller entièrement dans l’expiration et craint de ne pas avoir assez d’air s’il n’aide pas lui-même sa respiration… Mais de ce fait, il barre l’accès à la transformation et au devenir qui vient du fond de son être, et ce sur tous les plans.

160 :

L’homme qui exerce la respiration perçoit les choses différemment au cours de cet exercice selon qu’il se trouve à l’un ou l’autre de ces trois stades.

1/ Au premier stade, il considère la respiration comme un phénomène extérieur à lui-même… Il ne s’exerce pas encore en tant que corps qu’il est, mais traite le corps qu’il a comme un instrument désaccordé qu’il voudrait accorder de nouveau…

2/ Au cours de cette deuxième étape, l’homme prend conscience de lui-même à travers sa respiration…

P161 :

C’est, en fait, un mouvement fondamental de la vie. Du point de vue de la personne, ce n’est pas une fonction isolée, mais un rythme qui se répercute dans l’ensemble vivant qu’est l’homme – non seulement au centre du corps, mais aussi dans tous les domaines de l’âme et de l’esprit – et par lequel l’être humain s’exprime et se réalise à la fois…

Toute modification durable de la respiration suppose un changement d’attitude vis-à-vis de soi-même et de la vie et, inversement, l’exercice personnel de la respiration transforme l’être tout entier…

La respiration « fausse » signifie que l’homme s’oppose au rythme fondamental de la vie, faisant alors obstacle au mouvement de transformation de sa personne et l’empêchant ainsi de devenir ce qu’il est au fond de lui, dans son être essentiel, et qu’il voudrait donc être et devrait devenir…

Que signifient ces deux pôles qui déterminent le rythme de la vie et entre lesquels elle oscille continuellement ? L’un représente le mouvement qui tend vers l’individuation et l’accomplissement de la forme prédestinée (yang) et l’autre la dissolution de cette forme dans la grande unité de l’Être (yin).

Toute forme existentielle court le risque de se scléroser et doit être à nouveau fondue. Mais toute fusion tend également à se prolonger éternellement et mène donc à la dissolution au lieu de puiser dans sa force unificatrice l’énergie nécessaire à engendrer une nouvelle forme.  Durcissement, sclérose et dissolution sont les deux dangers essentiels dont est menacé le mouvement de transformation, qui est le véritable sens de la respiration « juste ». Ainsi, exercer la respiration signifie sur tous les plans travailler à rétablir des conditions favorables à la poursuite harmonieuse du mouvement de transformation…

La forme « juste » de l’homme se situe à deux niveaux :  celui de la capacité à vivre en ce monde, et celui de la transparence à l’Être…

Seul celui qui a maintes fois observé la peur qui le saisit lorsqu’il s’agit de laisser simplement venir la respiration, dans toute son ampleur – et en particulier lorsque arrive le moment de se laisser aller dans l’expiration – sait à quel point l’homme manque, en règle générale, de la confiance fondamentale en la vie…

P164 :

Il faut en général un temps assez long pour que le débutant comprenne que la respiration ne dépend pas, au fond, de sa volonté, mais que « quelque chose en lui respire ». C’est justement par la respiration qu’il doit apprendre à faire confiance à la Grande Force et à l’éprouver, cette force qui lui permet de rester en vie sans la moindre participation consciente de sa part. Celui qui ressent vraiment pour la première fois la différence entre « ce qui respire en lui » et le fait qu’« il respire », vit une expérience qui compte parmi les plus grandes, les plus impressionnantes et les plus heureuses qui puissent être données à l’homme commençant à avancer sur la Voie qui révèle la Grande Vie…

Sur le chemin qui mène au vrai Soi, il ne saurait y avoir d’action volontaire que pour éliminer ce qui ne doit pas être. En revanche tout ce qui doit être émerge tout naturellement des profondeurs dès que la voie est libre…

La prise de conscience de la respiration en tant que mouvement fondamentale de la vie est un facteur décisif de progression sur la voie.

P164 :

L’être humain ne peut murir et s’accomplir qu’en devenant conscient des grandes lois de la nature que la Nature inconsciente, elle, vit naturellement…

Aussi, celui qui s’exerce ne doit-il pas se contenter de se demander : « Que faut-il percevoir consciemment au cours de la respiration comme grande loi ? » mais, également : « De quelle nature est la forme de conscience qu’il s’agit de développer ici ? »…

La prise de conscience dont nous parlons ici est donc nécessairement quelque chose de différent. Il s’agit de prendre conscience de la vie, telle qu’elle se manifeste par la respiration, ainsi que de ses rythmes, non de façon objectivante, mais plutôt en la percevant intérieurement, comme un mouvement vivant qui fait partie intégrante de soi, mouvement que l’on est – pourrait-on dire – du fait même qu’on respire.

P166 :

C’est seulement la prise de conscience intérieure qui permet à l’homme de retrouver l’union avec la réalité originelle de la vie et, par là même, de se transformer…

La vie ne se laisse pas fixer ni immobiliser en une position donnée.

Il ne saurait y avoir du lâcher-prise du Moi hypertrophié sans lâcher prise de la forme de conscience liée à ce dernier.

Alors que la conscience objectivante a son siège dans la tête, que sa faculté percevante est située « en haut », la conscience intérieure est une « présence percevante du corps ». Ce n’est pas un organe particulier, mais l’homme entier, dans tout son corps, qui perçoit…

Être ancré dans le centre vital est la condition nécessaire et indispensable pour que la conscience « siégeant dans la tête » lâche prise.

P167 :

Dans la deuxième étape de l’exercice, l’homme apprend à se débarrasser d’une « forme » existentielle défectueuse et à trouver, en acceptant le livre va-et-vient de la respiration, une « forme » qui corresponde à la qualité d’une personne ouverte à la vie.

P168 :

…le fait de se lâcher élimine le Moi anxieux et permet aux facultés existantes de s’exercer. C’est seulement si le Moi défensif et conservateur apprend à lâcher prise au cours de l’expiration que le terrain devient favorable au développement du Moi « juste ».

…Lorsque, à la place de l’affirmation de soi, apparait le don de soi, et que, au lieu de se fermer, l’homme s’ouvre ; qu’il se lâche au lieu de s’accrocher ; qu’il désire servir au lieu de vouloir posséder, alors il est sur le point de devenir un homme « complet ».

P169 :

Abandonner les positions du Moi pour s’abandonner au fond demande plus de courage qu’on ne le suppose. C’est seulement peu à peu que l’homme apprend à connaître son obstination orgueilleuse et sa méfiance à l’égard de l’incompréhensible dont il participe pourtant dans son être essentiel.

3/… Celui qui aborde la troisième étape doit le faire de l’intérieur, car il s’agit de comprendre la loi originelle de la vie, cette loi qui crée les formes en silence et les reprend une fois qu’elles sont réalisées. L’homme doit apprendre à se soumettre consciemment à cette loi. Il faut que, grâce à l’exercice, il ressente chaque jour davantage à quel point sa conscience aux tendance fixatrices s’oppose au cycle continuel du « meurs et deviens », au perpétuel mouvement qui va de la mort à la renaissance. Il doit reconnaitre que cette volonté de conservation du Moi est une preuve de son manque de transparence et que c’est précisément cela qui étouffe en lui, la vie authentique.

P170, 171, 172 :

Lorsqu’il a trouvé le centre « juste », l’homme sent s’éveiller son être essentiel : cela se traduit non seulement par la sensation d’avoir été délivré, d’être plus libre dans son existence terrestre, mais également par le fait qu’il a conscience d’être engagé, redevable, vis-à-vis de l’Être.

…Il lui faut, à la fin de l’expiration, s’en remettre avec obéissance et foi au mouvement de la vie et être pour ainsi dire « aux aguets » afin de prendre conscience du moment où cet abandon se produit…

C’est à ce moment-là seulement qui naît un certain sentiment religieux, qui n’est pas nourri de représentations ou de projections concrétisant soit une peur soir un désir du Moi, mais qui exprime une expérience de l’Être inhérent à l’être essentiel, engageant et libérant le Moi tout à la fois…

La meilleure préparation à ces exercices est l’exercice du silence dans lequel il s’agit non de se concentrer sur u objet particulier mais de libérer le plus possible la conscience de tout ce qui l’habite, c’est-à-dire de la rendre vide, ce qui, en réalité, veut dire qu’elle est toute remplie du mouvement de la respiration et du mouvement de la transformation que constitue cette dernière.

Plus celui qui s’exerce réussit à faire l’expérience de sa personne en train d’inspirer et d’expirer et prend conscience de lui-même par la respiration, plus vite disparait en lui l’observateur critique cherchant à guider la respiration et apparaît une forme d’observation intérieure, opposée à cette attitude première – c’est exactement à ce moment-là que le stage de la concentration sur la respiration fait place à celui de la méditation par la respiration.

La méditation, l’« agir » méditatif, est de caractère passif. Méditation vient de « meditare » : être conduit vers le centre…

C’est dans la position assise que l’exercice du silence se pratique le mieux. Droit et solidement ancré dans le Hara, celui qui s’exerce apprend à connaître le mouvement cyclique de la transformation éternelle dans ses phases principales : « se lâcher, se livrer, s’unir avec le fond (s’abandonner),se retrouver dans une forme renouvelée, puis se lâcher à nouveau, etc.

…il s’agit toujours… de s’ouvrir à l’action de l’Être divin.

P173 :

 Soudain, ce qui était ressenti comme un vide effrayant par le Moi égocentrique devient une plénitude que les mots ne sauraient exprimer et qui pénètre l’homme tout entier, lui donnant force, lumière et chaleur…

L’essentiel, c’est que la personne s’exerce, d’une part, à percevoir les manifestations les plus discrètes sans chercher à les fixer, à les faire durer, et que, d’autres parts, elle apprendre à recevoir cette expérience comme un don et à ne jamais s’attendre à ce que ce don ait lieu et surtout à ne jamais vouloir le provoquer…

Le but même de l’exercice…est de favoriser la transformation qui permet de servir de façon « juste » le Tout Autre.

P174 :

Dès qu’on se trouve dans la position assise « juste », il faut fermer les yeux, se mettre en position d’écoute intérieure et observer sa respiration…

Plus le sujet parvient à laisser faire, à laisser agir en lui la force vitale et apprend, en particulier, à éviter d’intervenir aussi peu que possible dans l’inspiration, plus ce Moi lâche prise. La meilleure façon de s’observer intérieurement consiste à constater avec un certain émerveillement désintéressé qu’il y a quelque chose « en bas » qui va et vient sans cesse, tout naturellement et indépendamment de la volonté…

Il s’ensuit la prédominance de l’expiration sur l’inspiration de sorte que, bientôt, s’établir un rapport d’environ trois à un. On peut alors passer à l’accomplissement conscient des différentes phases du mouvement de la respiration, considérées comme les étapes du mouvement de la transformation personnelle. Au début de la respiration, il y a la phase du lâcher-prise, à la fin, celle de l’ouverture, de l’installation dans le bassin, et, entre l’expiration et l’inspiration, la phase de l’union, de la fusion ; puis vient l’inspiration ou phase du retour, du renouvellement.

La pierre angulaire de cet exercice est la troisième phase, l’union avec le « fond » … Mais à la fusion succède très vite la « remontée » qui rend possible le renouvellement à travers une nouvelle « forme » conforme à l’être. Ces deux moments, cependant, sont séparés par une « mort ». L’importance de la transformation dépend de la façon dont cette mort a été ressentie au cours de la phase de la fusion. Cet « instant », qui dure peut-être une fraction de seconde, peut donner lieu à une rencontre bouleversante - qui semble durer infiniment – avec les forces profondes de l’être, aussi bien avec les forces obscures qu’avec les forces lumineuses…

Celui qui a déjà progressé sur la Voie peut également sentir cette « montée » intérieure dans la phase de l’expiration et « descente » vers le fond au cours de l’inspiration.

P176 :  C’est alors que la roue de la transformation a accompli une révolution… Considéré sous cet angle, l’exercice ne se divise pas en expiration et inspiration, mais constitue un seul et unique mouvement de va-et-vient au cours duquel l’homme s’« installe » d’abord dans son bassin, s’unit avec le fond de l’être, puis amorce un mouvement vers le haut, pour « remonter » sous une forme nouvelle, se réaliser en elle, et la « lâcher » à nouveau. Trouver un rythme entre les différents moments du mouvement exige un « instrument » très sensible et capable de donner des variations de ce mouvement, selon le niveau où l’on se trouve dans la pratique de la Voie et, par la suite, selon le sens particulier de l’exercice. Le sens de ce travail demeure toujours de doter l’homme d’une plus grande transparence…

On peut varier l’exercice de maintes façons et notamment le combiner à l’émission de son… Le plus connu...est le Ohm.

Quand ce dernier vient du centre juste, il acquiert une qualité transcendante et l’on ne sait pas « d’où il vient » …

Tout exercice destiné à la transformation de la personne touche l’homme tout entier.

C’est pourquoi la respiration, la position et l’état de « tension » (justes) sont indissociables.

P177 :

…ses racines, c’est-à-dire la réalité originelle de sa nature…

Le débutant … a toujours tendance à sous-estimer le sérieux, la détermination, la persévérance et la fidélité qu’implique la véritable pratique. Chaque exercice en soi peut bien être facile, mais il est vraiment difficile de devenir quelqu‘un qui s’exerce régulièrement.

Pour pouvoir atteindre son but, la pratique du Hara ne doit pas être limitée à certaines heures destinées aux exercices. Ces derniers peuvent seulement contribuer à doter l’homme de l’état d’être « juste », à former et à développer le « corps correspondant à la voie », qui devient peu à peu un organe interne permettant à l’homme de remarquer rapidement, dans la vie quotidienne, la présence d’une mauvaise attitude et de la corriger pour ainsi dire automatiquement. Mais l’exercice ne porte pleinement ses fruits que s’il fait partie de la vie quotidienne tout entière de sorte que celle-ci devient le champ même de l’exercice.

P178 :

…(celui qui s’exerce en verra) les effets salutaires dans le travail physique et spirituel, dans la force créatrice ou dans l’amour, dans l’ensemble de son comportement vis-à-vis de ses semblables et de son travail, ou encore  dans l’organisation de sa vie et dans sa façon d’accepter son sort… Il bénéficie de la grâce de l’union avec les forces profondes…

Celui qui est ancré dans le Hara est ouvert « en toute sobriété » à la qualité du numineux, c’est-à-dire à la façon dont le supranaturel nous parle en ce monde.

P179, 180 :

L’homme qui possède le Hara…a compris que les forces centrées sur le Moi et dirigées par lui ont, tout comme la conscience qu’il a de lui-même, leur véritable source ailleurs que dans le Moi, et, ensuite, que l’homme qui se replie sur le domaine du Moi, est, au fond faible et instable…

L’homme qui dispose du Hara « est là » de façon droite. Il n’est pas facile de le renverser ni de le faire changer d’opinion et il retrouve tout naturellement son centre après avoir reçu un coup qui lui fait perdre l’équilibre ou l’oblige pour un moment à engager toutes ses forces.

P181 :

Même dans le travail le plus modeste, c’est le corps tout entier qui est à l’œuvre.

Chaque fois que l’effort est accompli en partant du Hara, c’est-à-dire effectué avec calme grâce à la force du centre vital, cet effort s’en trouve réduit car le travail se déroule alors de façon organique et n’est pas sous la pression du Moi.

P184, 185 :

Comme la conscience de soi de l’homme qui possède le Hara est moins dépendante du jugement du monde, cet homme se montre, dans sa façon de se présenter, moins préoccupé de l’impression qu’il fait sur autrui. Et en même temps, la force qui jaillit des profondeurs de son être grâce au Hara lui permet de manifester une force plus grande que celle dont il dispose « en réalité ».

Le Hara rétablit l’unité de l’homme avec lui-même. Sur le plan corporel, cela signifie que celui qui ne vit pas constamment en contradiction avec les pulsions élémentaires qui peuvent s’exprimer, qu’il n’est pas sans cesse placé devant l’alternative de se livrer à elles ou de les refouler.

Le Hara nous ouvre pour ainsi dire un espace entièrement nouveau. Dans lequel toutes les tensions accumulées en l’homme vont se fondre sans être obligées de se décharger à l’extérieur. Ce qui, sans le Hara, ne peut se libérer qu’en éclatant, mais doit souvent pour une raison ou pour une autre, être réprimé ou encore inconsciemment refoulé, peut être « déchargé » par un mystérieux « espace intérieur » et y est transformé en une force qui vient potentialiser l’ensemble des forces de la personne. Le Hara confère ainsi à l’homme un pouvoir légitime sur sa sexualité. Seule la sexualité telle que le Moi la conçoit, c’est-à-dire limitée à une certaine forme de satisfaction, engendre cette tension insupportable qui doit être réprimée ou vécue. Pour celui qui possède le Hara, il existe une troisième possibilité : Se libérer de cette tension en ouvrant une « porte intérieure. » C’est en franchissant cette porte que l’homme devient capable de se débarrasser de sa conception de la satisfaction sexuelle. Alors la tension stérile disparait et la force accumulée prend une signification créatrice.

En résumé, l’enracinement dans le centre vital, dans le Hara, donne à l’homme la jouissance d’une force qui lui permet de maîtriser sa destinée autrement qu’il ne le peut avec les seules forces du Moi. C’est une force qui le porte en secret, une force ordonnatrice et formatrice ; mais également libératrice et unificatrice.

L’être spirituel qu’est l’homme n’aspire pas uniquement à une vie assurée. Il ne peut pas seulement vivre pour survivre, mais désire vivre une vie qui ait un sens. Il cherche en lui et autour de lui l’harmonie et la perfection.

P186 :

En définitive, l’homme dispose pleinement de ses facultés s’il les laisse entrer en jeu naturellement, sans qu’intervienne la volonté. Mais s’il croit pouvoir y recourir par le canal de cette volonté, elles se refusent à lui. Toute nervosité exprime la peur qui domine l’homme de ne pas pouvoir venir à bout de sa tâche. Cette peur provoque une crispation de la personne qui lui ôte ses capacités. Pour les retrouver, il lui faut se libérer de la volonté de « tout faire » du Moi. Ses aptitudes alors épurées de tout facteur personnel, puisque débarrassées des entraves de l’esprit fixateur du Moi, l’homme les confie à une force profonde qui va lui faire accomplit sa tâche sans qu’il ait pour ainsi dire besoin d’y participer…

Seul celui qui est capable de lâcher ce qu’il a acquis voit sans cesse de nouvelles possibilités s’ouvrir à lui.

P187

… Les échecs ont tous, quelques soient les circonstances, une cause commune : Le manque de calme confiant.

P188 :

Il peut aimer d’une façon différente.

P190 :

Il est capable de sentir et de percevoir dans sa véritable signification la qualité du numineux, du sacré, par lequel l’Être se manifeste à nous dans l’existence.

P191 :

Les offenses n’ont pas de prise sur lui, les réactions impulsives sont facilement évitées, mais lorsqu’il le faut, il sait réagir, sans écouter son Moi peureux.

P192 :

… La force à la source profonde le porte – force qui, du reste, se révèle d’autant plus fidèle qu’il s’y abandonne avec confiance, mais qui se retire dès qu’il s’en méfie.

P195 :

Aussi émane-t-il de sa personne quelque chose de bon. Il est empreint de l’unité de l’Être, du Grand Un au sein duquel les oppositions disparaissent, et il a accès de ce fait, à une forme d’amour qui n’est pas égocentrique, possessive ni fixatrice, mais constitue un véritable abri…

Les forces qui viennent de l’Être ne se laissent ni expliquer ni comprendre car elles témoignent de l’origine de toute chose… Lorsque l’Être est perçu par la conscience intérieure de l’homme, ce dernier sent un appui qui est au-delà de la sécurité et de l’insécurité existentielles. Il dispose d’une clairvoyance qui est au-delà de la connaissance du sens et du non-sens, et il connait un amour qui est au-delà de l’amour et de la haine propre à ce monde.

P196 :

Cette forme de conscience, plus large, ne peut naître que par la fusion du Moi dans le Centre-Terre, le Centre Maternel.

P197 :

Le Hara lui donne accès au bonheur et aux bienfaits d’un amour pour ainsi dire cosmique, qui est impersonnel, différent de l’amour ressenti par une personne à l’égard d’une autre personne.

Cette expérience d’une forme d’amour à la fois génératrice de force, pleine de sens et non égocentrique, que le Hara permet de vivre… le débutant ne la vivra que sous la forme d’une grâce passagère. Sa réalité, le pouvoir régénérateur de la vie et de l’action transformatrice du Hara sur l’homme, il ne les connaîtra que s’il exerce régulièrement, fidèlement, à la pratique de la Voie.

P200 :

La porte qui donne accès à la voie intérieure ne s’ouvre que si l’homme souffre d’être coupé de son être essentiel au point que cela le pousse à se libérer de la prédominance du Moi, à faire éclater le cadre des structures rigides de d’esprit objectivant et l’incite à entrer en contact avec l’Être et la vie qui, par nature, s’oppose à toute fixation.

P201 :

Le corps d’un homme est cet homme, il l’exprime à sa façon. Il trahit sa profession, sa destinée, ses souffrances. C’est pourquoi l’exercice doit toujours être un exercice corporel. Hara signifie transparence du corps.

P202 :

L’état d’être de la personne tout entière apparaît dans l’attitude, dans le rapport tension-détente et dans la respiration. « Attitude », « tension juste » et « respiration » ne désignent jamais un aspect purement physique, mais représentent des principes de la vie humaine, qui se reflètent dans le comportement physique, psychique et spirituel. Aussi peut-on, en les travaillant, modifier l’homme tout entier… Tout travail du corps signifie donc un travail sur la personne elle-même – mais à condition que l’homme songe à sa personne et non seulement à son corps…

Le rendement n’est qu’un produit secondaire de la fusion de l’homme dans son être essentiel et non le sens premier de l’exercice considéré comme exercitium.

P203 :

Il doit s’efforcer de toujours laisser entrer dans sa conscience intérieure l’unité originelle, de se laisser saisir par elle et de conserver ce qu’elle lui procure sans chercher à l’expliquer.

P204 :

Seule une pratique régulière permet de conserver le contact avec l’Être…

Le Hara est le lieu où apparaît l’unité de la vie originelle.

P205 :

Le Hara signifie l’union toujours renouvelée avec la « dimension » transcendantale de la vie originelle.

P206 :

Cette nouvelle façon de voir le monde constitue une étape ultime uniquement pour celui qui, à l’exemple de l’Oriental, ne considère la réalité telle qu’elle est vue par le Moi et les innombrables aspects qu’elle représente que comme une illusion et regarde la suppression de cette illusion comme le but suprême à atteindre…

Alors le « temps » ne s’oppose plus à l’« éternité », mais est le moyen de la faire briller. « Chaque chose dans l’espace et le temps représente finalement l’au-delà. »

P207 :

Il témoigne librement du divin en acceptant avec amour le cercle éternel de la mort et du devenir…

Même si Hara est un concept d’origine orientale, son véritable sens est la condition qui permet l’individuation de la personne, principe qui détermine depuis toujours la pensée occidentale.

 

APPENDICES

P 210 :

Reste assis tranquillement, respire doucement, avec de longues expirations, et que ta force vitale reste dans ton bas-ventre.

P211 Le tronc doit rester droit. Les mains l’une sur l’autre, doivent être appuyées légèrement contre le ventre.

Il ne faut pas essayer de se libérer de toutes les pensées. Il s’agit simplement d’être en état d’éveil et de garder sa force dans le bas-ventre.

P212 :

Oui, nous devons croître jusqu’au moment de notre mort.

P213 :

La « Voie » est en nous-mêmes. Si l’on continue tranquillement l’exercice de l’« assise », la Voie se révèlera d’elle-même…

Il s’agit de l’amour qui est semblable au rayonnement du soleil.

P215 :

Le meilleur moyen de nous soigner, consiste à entretenir la fraîcheur dans les parties supérieures du corps, et de tenir au chaud les parties inférieures.

P217 :

Lorsqu’il n’y a pas de force à la base du Hara, l’expiration sera fugitive et comme gémissante, tandis que si elle procède vraiment du fond du ventre, elle sera puissante et s’écoulera à grands flots…

Cette posture juste, qui permet au corps une station réellement verticale, représente la seule voie d’accès vers une stature qui exprimerait, à l’encontre de toute division dualiste, l’unité de l’Être. Parce que, pour y parvenir on doit se libérer de toute emprise exercée par le petit moi qui produit des crispations localisées, la situation qui se crée est celle de l’abandon de l’Ego.

P224 :

(Pour guérir les maladies…) Pour commencer, il faut dormir suffisamment.

P239 :

On ne doit manger que lorsqu’on a faim, mais il faut cesser de manger avant d’être rassasié. Il faut aller marcher jusqu’à ce que le ventre soit vide, et cela une fois fait, se retirer dans la quiétude de sa chambre, s’assoir dans la position correcte et, gardant le silence, compter ses inspirations et ses expirations, d’abord jusqu’à dix, puis jusqu’à cent, et enfin jusqu’à mille. Alors le corps devient aussi inébranlable, l’âme aussi sereine qu’un ciel sans nuage.

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